Il était venu vers moi, me regardant droit dans les yeux. La conversation avait aussitôt débuté, sous un motif des plus anodin.
« Je m'intéresse à la beauté, avait-il prétendu, à tous ses aspects, à toutes ses manifestations, à ses incarnations en ce monde... »
Voilà comment cela avait été initié, en pleine rue, entre le vacarme des voitures et leur pollution.
« Je suis plus propice à l'introspection, aux réflexions solitaires issues de mes vagabondages, mais aujourd'hui est un jour spécial... »
Visiblement il avait un peu bu lors de cette journée spéciale... Mais qui pouvait lui en vouloir ? Il ne semblait être qu'un vil dragueur intéressé par la beauté des jambes d'une femmes brièvement croisée dans la rue, et pourtant...
« Je connais des militaires qui s'intéressent au contrôle, à l'ordre, moi je préfère de loin la beauté. D'autant plus qu'en ce monde l'ordre s'en va peu à peu... irrémédiablement. Mais pas la beauté n'est-ce pas ?
— Certes. » Que pouvais-je répondre d'autre ?
Il réfléchit un instant, un bref sourire venant illuminer ses lèvres et ses yeux.
« Non, c'est triste également, mais un monde où la beauté s'en va est à plaindre, néanmoins la beauté qui reste demeure intacte. Dans un monde sans ordre ni justice, tout ce qui reste n'a plus d'éclat, et finalement peu de raison d'être.
— Mouais, la beauté est dans l'œil de celui qui regarde... non ? Que l'on considère qu'elle soit objective ou subjective, ça ne change rien à ces faits : il faut avant tout un esprit pour l'apprécier, et elle ne se suffit pas à elle-même. »