Nous étions montés ensemble dans ta voiture. Qu'y avait-il de si spécial ce jour-là ? Et pourquoi être sortis ensemble, précisément après cette soirée étrange dans les sous-sol de la papeterie ? Tu conduisais le véhicule d'une main assurée, sur les routes tourmentées, et les cahots me bousculaient irrémédiablement vers toi, et bientôt ces heurs finirent par devenir des frottements. Tu entends ? Une mélopée vulgaire emplit l'habitacle de la voiture, mais curieusement, je l'accepte et me laisse couler dans la musique.
Je rêve que l'on s'arrête sur le bord de la route, mais toi, tu continues, et tu me touches la main. Tes doigts me donnent l'impression d'être grossièrement façonnés, presque trop grands par rapport à toi. Dorénavant, on est dans un éternel temps présent, le paysage alentours semble réalisé en pâte à modeler, l'air est dense et électrique. On passe dans une vallée assez étrange et on découvre deux habitations dans les montagnes, avec une apparence gothique et insectoïde. Les flèches sont recouvertes de pointes, comme la moelle épinière d'un animal extra-terrestre, d'un démon. Le moins qu'on puisse dire, c'est que cette vision surréelle en pierres noires nous impressionne.
En sortant de la voiture on marche dans la neige. On continue, et la route est glissante, mais on arrive à se freiner avant le précipice. En bas, il y a des cadavres sous plastique. On croit les voir bouger, et on s'accroche à une rampe en cordages pour ne pas tomber. Et puis tu t'es mise à voir des gens vivants qui dorment les uns sur les autres pour se tenir chaud. Est-ce bien ce que tu m'as proposé ? Au milieu de nulle part, entouré de corps que la vie a quitté, et d'autres qui semblent avoir bientôt la même destiné.
Nous avons froid.