Blog / Son journal et du pain

C'était l'ouverture du bureau de tabac, tôt le matin. Jean-Loup venait ici chaque jour pour y acheter son journal et du pain, avant de partir au travail. Ça arrivait parfois qu'il lise une partie de ce journal une fois arrivé au bureau, et il arrivait systématiquement qu'il mange au moins le quignon pendant le trajet.

Mais ce matin-là cette routine vieille d'environ une décennie fut brisée d'une façon absolument inattendue.

Jean-Loup avait environ 45 ans à ce moment. Plutôt grand, bien mis, il habitait dans une grande ville, que nous ne jugeons pas utile de nommer ici. Il avait quelques cheveux gris, mais ne regrettait pas vraiment sa jeunesse. Son enthousiasme d'alors était devenu une sombre nostalgie, une mélancolie douce et désespérée : il n'attendait plus vraiment rien de la vie. Son travail s'était révélé répétitif, médiocre, sans la saveur qu'il s'était imaginée alors qu'il avait encore 20 ans.

En traversant la rue pour rejoindre la boutique, son épaule entra en collision avec celle d'une jeune fille un peu plus petite que lui, le corps souple et bien équilibré, des yeux évoquant ceux d'un chat, une poitrine à faire damner un saint et une chevelure qui sentait la rose fraîche...

Il la reconnut instantanément :

« Marie, est-ce bien toi ? »

La jeune femme devait avoir une vingtaine d'année, et avait la même apparence et la même aura que quand ils s'étaient quittés.

Le cours de sa vie allait peut-être pouvoir reprendre.