Blog / Lorsque l'espace s'adapte au temps

L'entrée était potable, sans plus, avec quelques jardinières pour évoquer la dignité des défunts, bien que leurs fleurs étaient elles aussi mortes depuis un certain temps. Cela semblait un tout petit cimetière, avec des tombes éparpillées ça et là, qui venaient briser l'arrangement strict de la majorité des sépultures.

Je marchais entre les allées, à lire les noms sur des tombes lisses comme du plastique. Mais c'étaient les très vieilles qui présentaient le plus d'intérêt, celles avec de la mousse desséchée, des coins éclatés, des lettres illisibles et des lézardes qui faisaient craindre un coup d'œil vers le contenu interdit.

Un bref flash illumina la douce soirée d'été : lors d'une journée aussi pluvieuse que celle d'aujourd'hui, le son du cercueil qui heurte la dalle de marbre, la vision du sang, longue traînée sur la pierre grise...

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On ne risquait certes pas de se perdre dans ce cimetière. Après l'avoir parcouru dans toutes ses largeurs, on revenait sur nos pas, on tournait un peu en rond, cherchant des patronymes, raillant intérieurement le mauvais goût de certaines épitaphes. Mais qui étaient-ils pour juger ?

Je jetais la rose au sommet du tas de la fosse commune. L'entrée paraissait finalement plus distante que je le croyais, et dans le crépuscule avancé je mis un temps qui tendait vers l'éternité pour retourner vers la sortie. Je me souvenais d'être venu ici avec mes grands-parents, dans un passé maintenant si lointain que je doutais presque de son existence. Mes aïeux, très dignes, et fort bien habillés dans le froid de la saison cendrée. Une grosse voiture noire nous avait conduits ici, dans un temps maintenant révolu, et dont seul le brouillard de l'hiver dernier gardait encore quelques traces, de part son irréalité.