Dans les royaumes du rêve, les lapins marchaient à deux pattes et pour se démarquer portaient des cravates à motifs rayés ou du moins vivement colorés. Leurs profils hautains, blasés et suffisants en disait long sur leur capacité à vivre en société avec les dindons et les poules, leurs voisins.
On rencontrait fréquemment de tels êtres sur la route vers le royaume du rêve, même si un jour un lapin m'avoua qu'il avait entendu les volailles conspirer sur son dos, et que depuis il craignait pour sa vie.
Sur le seuil d'une petite chaumière enclavée entre des bocages vallonnés, une jeune fille attendait le laitier. Elle avait eu ce qu'on appelle une aventure avec lui quelques mois auparavant, et elle rêvait d'une vie meilleure en sa compagnie. Lui, dédaigneux en apparence, timide en son for intérieur, pensait au décalage entre eux. Elle était trop bien pour sa condition, trop bien pour lui, trop bien physiquement. Ils avaient eu à peine le temps de se connaître, que déjà il pensait à la fuir, contre son gré, contre leur gré à tous deux. Se croiser trois ou quatre fois par semaine était une torture pour chacun.
En chemin pour les royaumes du rêve, il réajusta sa vareuse, et jeta la casquette aux orties. Comment allaient l'accueillir les lapins ?