Blog / Dehors

« Dehors !

Viens Lucie, ne reste pas dans cette propriété malsaine... rejoins-nous dehors, là où dansent les tourbillons du vent d'ouest, là où courent les ruisseaux issus des montagnes grises... »

Elle s'éveilla, surprise par cette petite voix aux intonations menaçantes, et songea à se rendormir aussitôt. La lucarne au-dessus de son lit explosa, et une pluie d'éclats de verre, trop fins pour pouvoir la blesser, se répandit sur son couvre-lit. Une rafale froide s'engouffra par la fenêtre, la faisant se replier au rez-de-chaussée, avec sa peur.

Elle passa le reste de la nuit sur le divan, dans un sac de couchage, et au petit matin, elle sortit du domaine, surprenant ses chats qui décampèrent lorsqu'ils perçurent son pas ferme et intransigeant. Leur maison bourgeoise et cossue, avant que son mari ne décède, avait toujours eu des volets d'un bleu vif et immaculé, mais depuis qu'elle était veuve elle ne trouvait plus vraiment la force de l'entretenir comme auparavant, ce qui ne l'empêchait pas de garder son cachet.

Devant les grilles de la propriété, de l'autre côté de la rue, pourrissait une usine désaffectée, évoluant encore plus vers l'abjection totale depuis qu'elle était devenue le support de graffiti obscènes, musicaux ou revendicatifs.

Lucie se surpris à presser ses pas, au rythme de son cœur bouleversé.

Après avoir dépassé une modeste supérette, pas encore ouverte à cette heure matinale, elle s'engouffra dans la ruelle La Martine, lisse et uniformisée, qui débouchait quelques centaines de mètres plus loin sur le Parc Henri Michaux, lequel jouxtait la forêt domaniale.

Elle choisit celle-ci pour se perdre et s'y assoupir, rêvant des tourbillons du vent d'ouest et des ruisseaux issus des montagnes grises.