C'était enfin arrivé : après l'affrontement final des trois ou quatre idéologies idiotes qui en ce début de siècle s'assurèrent de happer conjointement l'esprits de la plupart des humains, elles finirent par se mettre d'accord pour arriver à une égalité effective entre tous les « citoyens du monde », signe que leurs buts étaient en fin de compte similaires : les bombes nivellèrent toutes vies pour en faire une matière indifférenciée et morte.
Qui restera pour admirer l'aurore rosée qui se mêle aux nuages ? Qui pour ressentir les picotements réconfortants du froid qui s'insinue dans les bottes ? Qui pour suivre le vol du rapace dans la plaine, un des derniers êtres encore pleinement vivant ?
Qui pour respirer le parfum neutre des fleurs de glaces, et se piquer sur les épines acérées de leurs tiges ? Qui pour oublier la civilisation malade, folle au point de programmer son propre suicide ?
Qui sera maintenant présent pour suivre le cours sinueux de ce fleuve dont les berges adornées de vapeur sont dorénavant gelées ? Qui pour dévaler les pistes éternelles de l'hiver nucléaire ?