J'accompagnais parfois ma grand-mère à son travail, d'où on avait une vue imprenable sur ce château d'eau gigantesque qui m'évoquait un vaisseau extra-terrestre.
Les gens là-bas me saluaient poliment quand je passais près de leur pupitre, en tout cas à cet âge je n'avais pas le loisir de percevoir l'ironie ou la condescendance, et d'ailleurs peut-être n'y en avait-il absolument pas du tout chez eux. Les employés.
J'appris ainsi la petite vie de chacun, tout en les regardant préparer leurs cafés ou manipuler leurs raquettes de tennis, les rares fois où ils les apportaient à leur boulot, peut-être pour s'entraîner entre midi et deux. Ensuite, pendant quelques heures, tandis que ma grand-mère faisait le ménage dans les bureaux, j'allais jouer à collecter des bouts de fils électriques colorés dans les salles immenses de la centrale, pour en faire des assemblages savants, des inventions chimériques.
Nous repartions en fin de journée, et de retour chez elle, dans ce grand immeuble blanc, ma grand-mère me préparait des crêpes aux abricots, avec une pâte épaisse dont je raffolais.


