Hector Rouillard était fier de son usine de bonbons : chaque semaine, un nouveau goût était développé, pour le plus grand plaisir des petits comme des grands (mais surtout des petits quand même). Cette semaine, M. Richer, le chimiste, était venu lui apporter un élément qui allait forcément booster les ventes de cette fin d'année : une saveur si unique, que même les réfractaires aux sucreries se laisseraient enfin facilement tenter, voire même damner.
L'usine avait été construite sur quatre cents mètres de long pour faire tenir la chaîne principale, qui employait cinquante-sept employés. La superficie totale du domaine s'étalait sur quinze hectares, si on comptait les jardins de plantes aromatiques, et les plantations d'hévéa. Un petit puits de pétrole fournissait le carburant nécessaire aux transformations et traitements des sucreries, et une éolienne apportait l'appoint en énergie, et une dose d'écologie pour mettre sur les réclames affichées un peu partout dans les journaux et les rues.
La femme d'Hector, Anabelle Rouillard, était la directrice du marketing de l'usine, et elle réfléchissait comment mettre en scène la nouvelle saveur, qui allait forcément devenir un grand cru. La composition, tenue secrète pour les profanes, contenant du colorant E466, c'était tout naturel de faire un fond aigue-marine pour la dernière affiche, peinte à la main par une jeune artiste tchèque.