Les mots revinrent à ce moment, comme une pluie d'automne qui commence par glacer le corps, jusqu'à le tremper totalement. Il était entièrement baigné par les phrases et les sons, par leurs significations et leurs implications. Ceux-ci représentent la délivrance ; il les avait toujours cherchés sans jamais découvrir leur refuge, et alors qu'il croupissait dans ces geôles sordides, les mots s'installèrent en lui instinctivement, frénétiquement, comme une évidence.
Dans l'ombre de cette cellule d'où personne ne ressortait jamais, il regardait posément le mur, et s'imaginait fixer les mots sur sa surface, pour ne plus jamais les oublier.
Ce n'est que quelques jours plus tard qu'on vint le chercher pour faire exécuter sa peine. Il suivit des couloirs interminables qui s'enfonçaient dans les profondeurs de la terre, et émergea devant le gibet, destiné à lui ôter définitivement le souffle.
Son salut, il le dut à la mansuétude, ou à la maladresse, des juges qui lui permirent de prononcer une dernière parole avant son trépas : ces ultimes mots se répandirent sur la place publique comme une pluie automnale, et depuis ne cessent de la hanter, même au plus chaud de l'été.