Elle lui prit la main, et souria franchement à sa dernière réflexion.
« Non, je n'irai plus les voir, si c'est ce qui te tracasse. J'ai rompu avec eux depuis des mois, et n'ai pas l'intention d'évoquer maintenant avec toi leur triste souvenir.
— Je pense que leur "philosophie" ne t'aura que trop durablement marquée, il te faudrait vraiment prendre quelques vraies vacances, loin d'ici », lui conseilla-t-il.
Elle ne répliqua rien, et se concentra sur la chevalière à son doigt : massive et virile, un peu passée de mode, elle caractérisait un homme paternaliste et sans doute aussi un peu possessif, comme il le démontrait si souvent dans ses propos et ses gestes.
Elle sortit dans la rue, alla acheter du pain et quelques gâteaux pour la fin d'après-midi. En remontant les escaliers, elle sentit l'odeur caractéristique du diluant pour peinture à l'huile qui emplissait les parties communes. La voisine était sans doute en train de continuer son dernier tableau, paysage de Bretagne au couchant. Lorsqu'elle ouvrit la porte, son regard se porta sur la tranche d'un livre qui venait d'être manipulé dans la bibliothèque de l'entrée, durant son absence.