Notre barque accosta sur le rivage d'une presqu'île dont nous ignorions jusqu'au nom, et nous en sortîmes le cœur apaisé, prêt à recevoir l'enseignement qui allait nous être prodigué. Les hommes qui nous attendaient au temple décidèrent de nous baptiser chacun d'un nom simple, monosyllabique. C'est ainsi que je fus prénommé Jin, et deux de mes compagnons Naa et Liie. Je n'ai pas réussi à me souvenir des autres.
Le lendemain, avec un petit groupe de quatre ou cinq adeptes et quelques moines, nous partîmes vers la montagne centrale, qui n'était alors qu'un point imaginaire à l'horizon.
Les jeeps nous conduisirent rapidement hors du village, et je fus secrètement soulagé de quitter ces habitations précaires, en préfabriqués composés majoritairement de matières plastiques douteuses.
La montagne dont nous nous rapprochions était majestueuse, et la vallée fortement boisée, sans que cela n'en devienne oppressant. Une sorte de pré rectangulaire, entouré d'arbres sans que cela n'évoque une clairière, était notre destination, apparemment pour y subir un nouvel entraînement. Mais ce que nous y découvrîmes, nos accompagnateurs ne s'y attendaient pas. Un cadavre atrocement mutilé pourrissait dans les hautes herbes, dans un des coins de ce pré. Le corps reposant face contre terre, seul le moins couard des monosyllabes, ou des accompagnateurs, osa le retourner. Le visage, intact et visiblement japonais, ce que corroborait la présence du kimono — ou de ce qui en restait ---, était d'un incroyable beauté, d'une singulière sérénité.
Je sortis un appareil GPS, pour nous localiser précisément, tandis qu'un autre prévenait la police. Nous restions sur nos gardes : et si c'était un traquenard ?
Ce n'était pas avec mon sabre cassé en bois que je pourrais soutenir un siège...