Un sol transparent et épais surplombait la périphérie du musée, que l'on atteignait après avoir traversé la première passerelle. En m'approchant un peu du bord, je découvris avec horreur qu'il n'y avait pas de rambarde ni quoi que ce fût pour protéger le visiteur d'une chute, car le vide était juste à l'aplomb du cercle de verre enserrant la bâtisse.
Le contraste en pénétrant dans la tour était tel que je fus pris immédiatement de vertiges : le soleil au dehors, éclatant, rayonnant, et qui m'avait mis dans une telle allégresse sur le chemin de l'aller, avait fait place à une lumière sordide qui instillait une sensation de mal-être et de dépression. En réfléchissant rétrospectivement à cette visite, je me rends maintenant compte que mon esprit est incapable de se remémorer la moindre œuvre exposée en ce lieu. En revanche, une certaine impression trouble, vécue avec l'acuité d'un mauvais rêve, reste présente, encore maintenant, au fond de mon âme.
Armand et son amie me devançaient, fébriles comme de jeunes adultes qui seraient retournés sur les lieux de leur enfance, et je n'entendais déjà plus leurs savantes analyses des joyaux artistiques présents dans les diverses salles. Je n'arrivais déjà plus à les suivre, et surtout mon malaise prenait des proportions inattendues. Je voyais déjà les escaliers comme un obstacle insurmontable tellement ils étaient raides, que cela soit dans le sens ascendant ou descendant. Et ce vertige ! La rampe orange, sous la lumière vive des spots, était mon seul soutien, et je me sentais inexorablement tomber vers l'avant, les marches se dérobant sous mes semelles.
La tête me tournait, et je ne savais toujours pas si cet état était extérieur à moi, ou venait de mon imagination, de mes angoisses. Le moindre couloir était devenu un plan incliné, et je sursautais après chaque nouvel assoupissement, sous le poids de mon vertige.
En ressortant enfin quelques heures plus tard, la claire lumière du jour présent me remit du baume au cœur, et en longeant les canaux d'un air maussade, qui atténuait un peu l'enthousiasme des jeunes gens m'accompagnant, j'hésitais à me précipiter dedans, sur un coup de tête, pour finir de me réveiller.