Du côté du soleil couché, le crépuscule améthyste attire à lui le reste de l'aura rousse, jusqu'à ce qu'elle se fonde en lui pour disparaître complètement. Mais pour le moment, les deux couleurs sont encore bien séparées, chacune à côté de l'autre.
Sur la route, les deux hommes, le père et le fils, admirent ce tableau.
« Quel côté préfères-tu, demande le père, celui où disparaît la lumière, ou, dit-il en se retournant, lorsque commence la nuit étoilée ?
— Impossible à dire, répond le fils. J'aime autant l'un que l'autre.
— Il était une fois deux jeunes femmes, narre le vieil homme, l'une était toute de blondeur rayonnante, l'autre brune comme la nuit. Cheminant perpetuellement ensemble, elles faisaient tourner la tête à tous les hommes du village, si bien qu'il fut décidé lors d'un conseil, qu'il ne serait plus permis aux deux femmes de se rencontrer de nouveau : l'une fut exilée au dehors, l'autre assignée à résidence. Ce qui pouvait sembler une décision cruelle et arbitraire eut finalement l'effet inverse : où qu'ils se trouvent et à n'importe quelle heure de la journée, les hommes purent désormais admirer l'une ou l'autre beauté, ad vitam æternam.
— Quelle histoire étrange, coupa le fils. Il existe pourtant encore quantité d'endroits où nulle lumière ne se pose, qu'aucunes ténèbres n'emplit.
Et ce fut sur ces paroles que la nuit entama son règne provisoire.